Des micro-organismes marins communiquent par impulsions électriques

Des micro-organismes marins communiquent par impulsions électriques

A proximité des cheminées hydrothermales des microbes travaillent ensemble pour consommer le méthane libéré. Leur association fonctionne à distance, car ils échangent de l’énergie par transfert d’électrons.

Une bonne communication est essentielle à toute relation, surtout lorsque les partenaires sont éloignés l'un de l'autre. Cela est également vrai pour les microbes des fonds marins qui ont besoin de travailler en commun pour consommer le méthane libéré par les évents hydrothermaux

Des travaux réalisés à l’Institut de technologie de Californie, portant sur une bactérie et une archée indiquent que ces deux partenaires n’ont pas besoin d’être physiquement en contact pour accomplir cette tâche. Ils partagent leur énergie par transfert d’électrons sur de grandes distances.

Une première dans la nature

C'est la première fois qu’un tel transfert électronique est documenté dans la nature. Les chercheurs ont découvert ce curieux mode de fonctionnement en étudiant le partenariat entre une archée méthanotrophe, et une bactérie sulfato-réductrice (qui utilise le soufre au lieu de l’oxygène) dans des conglomérats formés autour des évents hydrothermaux.

Ils ont embarqué dans le sous-marin Alvin pour plonger et prélever des échantillons. Ramenés au laboratoire, ils ont été étudiés. Les scientifiques ont notamment travaillé sur la répartition des deux espèces et leur capacité à dégrader le méthane.

Leurs résultats, publiés dans la revue Nature, indiquent que la distance entre les deux communautés de microorganismes n’a pas d’impact sur leur consommation de méthane. « Nous pensions que les cellules à l’interface, là où bactéries et archées sont en contact, seraient plus efficaces mais nous n’avons pas observé de tendance évidente. Ce qui est vraiment remarquable c’est qu’il existe des cellules distantes de plusieurs longueurs cellulaires de leur partenaire le plus proche qui sont toujours actives » s’étonne Victoria Orphan, principale auteure de l’étude.

Cytochrome

Or le duo archée/bactérie fonctionne selon un principe appelé oxydation anaérobie du méthane : les bactéries réduisent le soufre grâce à l’aide des électrons obtenus par l’oxydation du méthane par les archées. Les chercheurs pensaient jusqu’à présent que les électrons étaient transmis d’un partenaire à l’autre par l’intermédiaire d’un substrat moléculaire tel que l’hydrogène.

Mais cette hypothèse s’est avérée incompatible avec les formes d'activités spatiales observées dans les échantillons. En revanche, les données empiriques tendent à prouver qu’il existe un transfert direct d’électrons entre les deux espèces : « Nous avons testé une modélisation informatique en se fondant sur cette hypothèse, elle est en adéquation avec nos données. Cela nous a amené à rechercher les preuves que ce transfert direct d’électrons existe bel et bien » explique Victoria Orphan.

Le transfert direct d’électron a déjà été étudié en laboratoire, et les bactéries du genre Geobacter sont un des modèles utilisés pour étudier ce phénomène. Elles possèdent à leur surface des grandes protéines appelées cytochromes multi-hème qui constituent les portes d’entrée et de sortie des électrons.

Ces protéines sont également présentent à la surface des archées des conglomérats méthanotrophes ce qui conforte l’hypothèse qu’il existe bien un transfert électronique direct en leur sein. "C’est vraiment l'un des premiers exemples de transfert direct d'électrons se produisant entre des micro-organismes non cultivés dans l'environnement. Notre intuition est que ce mécanisme doit plus fréquent dans la nature que ce qui est actuellement reconnu" conclut Victoria Orphan. 

Source : sciencesetavenir.fr

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