Retour sur l'héritage scientifique monumental apporté par la sonde Cassini en 20 ans de périple

Retour sur l'héritage scientifique monumental apporté par la sonde Cassini en 20 ans de périple

Cassini suspend son vol et se désintègre dans l'atmosphère de Saturne. Au cours d'un périple de 20 ans, la sonde a survolé Titan, satellite de la géante gazeuse, pas moins de 127 fois ! Le point sur les titanesques découvertes réalisées, avec la chercheuse Alice Le Gall.

Cassini, c'est fini : la sonde se désintègre le 15 septembre 2017 dans l'atmosphère de Saturne. Lancée depuis la Terre en 1997, elle léguera à la communauté scientifique des révélations inédites quant à la structure géologique des satellites naturels de la planète. En première ligne, Encelade et ses océans glacés, mais aussi Titan, où coulent des lacs d'hydrocarbures. Des découvertes qui n'auraient jamais été possibles sans la sonde, et le robuste équipement scientifique embarqué à bord.

Au cours de son périple, Cassini a survolé Titan pas moins de 127 fois ! Le point sur les nombreux apports de la mission à la connaissance de la géographie de Titan, avec Alice Le Gall, chercheuse au LATMOS, qui a travaillé pendant 3 ans sur l'instrumentation radar de Cassini au laboratoire JPL de la Nasa.

Titan, une atmosphère opaque

"Avant le premier survol de Titan par Cassini, il n'y avait eu que 3 survols très furtifs du satellite, par les sondes américaines Pioneer 11, Voyager 1 et Voyager 2Or, ces premières images ont montré que l'atmosphère de Titan était beaucoup plus opaque que prévu, et qu'il allait falloir une mission spatiale dédiée avec des instruments particuliers afin de pouvoir l'étudier !" Il s'agit d'une situation similaire à celle de Vénus, à l'atmosphère également opaque, avant que la mission Magellan ne dévoile son anatomie au cours des années 1990.

Autant dire que tout reposait sur la qualité des instruments d'imagerie embarqués. "La sonde a tout d'abord été dotée d"un radarÀ la longueur d'onde où il opère, 2 cm, l'atmosphère de Titan est transparente, ce qui permet de voir la surface ! Il peut envoyer vers la Terre des images de la surface offrant une résolution pouvant aller de 4 km à 300 m." Et ce n'est pas tout : "À bord de Cassini, d'autres instruments et caméras permettent de multiplier les plages de longueurs d'onde où l'on peut observer Titan : au total, 7 fenêtres spectrales dans le proche infrarouge !" L'enjeu : limiter l'absorption de l'énergie émise par le méthane de l'atmosphère, tout en pouvant observer ses aérosols et donc quantifier sa composition.

127 survols pour cartographier 65 % de la surface de Titan

Cassini et Titan ont appris à bien se connaître, puisque la sonde a survolé le satellite 127 fois. "Le radar a pu collecter des données pendant la moitié de ces survols, en cartographiant environ 1% de la surface à chaque passage" : une tâche à proprement parler titanesque. "Nous avons ainsi couvert environ 65% de la surface ! C'est une véritable mosaïque de lacs d'hydrocarbures, de dunes géantes, de montagnes, de rivières et de plaines qui s'est assemblée, une pièce du puzzle à la fois... Les paysages sont bien compartimentés : des plaines aux latitudes moyennes, des lacs aux pôles. Nous pensons qu'il y a sur Titan un cycle du méthane, au même titre qu'il y a sur Terre un cycle de l'eau." La chercheuse évoque aussi la découverte de la composition des grains qui composent les dunes de Titan, "de nature organique, il s'agit d'une suie née du dépôt progressif des aérosols au sol."

La plus belle découverte de Cassini réalisée sur Titan grâce au radar, selon Alice Le Gall ? Sans hésiter, "la première détection du fond d'une mer extraterrestre, la mer Ligeia Mare, en 2013. Le radar a détecté un écho venant du fond du lac et a pu en déduire la profondeur de ce lac (160 m par endroits) ainsi que sa composition (dominée par le méthane). Cassini a fait de l'océanographie !"

Objectif ExoMars 2020... avec un radar

Une instrumentation radar sera également embarquée par la future sonde d'ExoMars 2020. Alice Le Gall travaille également sur ce projet, dans le cadre d'une mission européenne ESA. Quelles différences par rapport au radar de Cassini ? "Il ne s'agira pas d'un radar dédié à la surface, comme celui de Cassini, mais d'un radar à pénétration de sol, dédié au sondage du proche sous-sol de Mars", explique Alice Le Gall. "Les radars restent des instruments relativement nouveaux dans l'exploration du système solaire, mais ils sont de plus en plus sollicités. D'un point de vue technique, le radar parti à bord de Cassini est un dinosaure, car conçu dans les années 90." Les progrès réalisés entre-temps devraient donc transparaître dans la future instrumentation d'ExoMars 2020...

D'ici là, place au crash sur Saturne pour Cassini, qui est au préalable repassée aux alentours de Titan le 11 septembre 2017. Les scientifiques ont en effet préféré que la sonde achève sa course vaporisée dans l'atmosphère de la planète, plutôt que projetée sur Titan ou Encelade. Ces deux satellites naturels pourraient en effet être des berceaux pour la vie, et doivent à ce titre être préservée de toute contamination terrestre.

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