Un nouveau pavé constitué en partie de coquillages et qui aiderait au drainage de l'eau des villes

Un nouveau pavé constitué en partie de coquillages et qui aiderait au drainage de l'eau des villes

Un pavé lardé de coquilles recyclées pourrait permettre de drainer nos villes menacées par l’artificialisation des sols tout en renflouant nos nappes phréatiques. Une innovation en test actuellement en Normandie.

Il engloutit deux litres par m2 et par seconde ! L’écopavé drainant VECOP mis au point par l'école d’ingénieurs ESITC Caen est une véritable passoire. Et une aubaine écologique, selon ses inventeurs. Tout d’abord, son béton incorpore des éclats de coquilles Saint-Jacques et de pétoncles, des déchets dont la France est le premier producteur européen avec 250 000 tonnes annuels… 

"La forme aplatie et irrégulière des éclats de coquillages concassés a une incidence sur la porosité du matériau final", résume l’ingénieur des matériaux Hector Cuadradoqui a testé plusieurs espèces. La coquille de la moule est trop fine et le béton final moins résistant. Celle des huitres est trop irrégulière et oblige à employer plus de liant", précise le chercheur.

La bonne nouvelle, c'est que celle de la crépidule est idéale: "Super-résistante, avec une forme plus intéressante encore que celle des pétoncles".  Les Crepidula fornicata, des berlingots nuisibles et invasifs qu’il faut draguer pourraient donc trouver un nouveau débouché et devenir utiles à la collectivité.

De 30% à 50% d’économie de granulats et de sable

Au final, ce béton aéré, alvéolé, léger, poreux, filtrant… se fabrique avec une formulation allégée de 30% à 50% en granulats, issus d’un procédé extractif lourd et gourmand en énergie. Il est aussi plus économe en sable… à un moment où la pression sur cette dernière ressource devient préoccupante.

Le produit final est destiné à des zones à faible trafic : parkings, bordures, trottoirs ou rues piétonnes. "La propriété drainante permet de lutter contre l'artificialisation des sols et de mieux gérer les eaux pluviales", souligne Stéphanie le Boulanger, ingénieure recherche et développement. Démonstration in situ, sur le nouveau parking de l'école, soit 175m2 fraichement écopavés avec le nouveau matériau. Il déverse 75 litres d’eau sur de l’enrobé classique et le pavé drainant. Ce dernier boit sans soif, immédiatement.

La bétonisation imperméabilise les villes avec deux effets destructeurs, rappelle le chercheur. "L’effet parapluie perturbe le cycle naturel de l’eau, l’empêche d’entrer dans le sol et de remplir les nappes phréatiques. L'effet entonnoir provoque un déversement vers les stations d’épurations... qui en cas de saturation sont délestées dans les rivières, (eaux usées comprises)." 

Au delà du parking de l'école, les villes de Caen et de Saint Malo s'apprêtent à tester les capacités d'infiltration du matériau sur de plus grandes surfaces. "Les performances de notre écopavé –qui absorbe 120 litres par minute et m2– peuvent être optimisées en fonction des besoins. Nous pouvons fabriquer un écopavé allant jusqu’à absorber 500 l par minute et par mètre carré", détaille Mohammed Boutuil, le directeur de recherche.

Sa performance serait donc comparable à celle du béton drainant Tarmac. "Le coût est identique à un pavé drainant classique, soit 25 à 30 euros le m2", précise Stéphanie Le BoulangerLa pose plus complexe le rend plus cher qu'un pavé classique, mais ce serait peu cher pour se reconnecter au cycle naturel de l'eau et collecter les eaux pluviales sans engorger ses égouts...

Parfait en tous cas pour les villes humides de Normandie... Comme tous les matériaux poreux, l'écopavé VECOP est sensible aux cycles de gel-dégel mais peut néanmoins résister jusqu’à 130 cycles de -18° à +20°C en 24h, selon ses concepteurs. Il est conçu pour des régions tempérées, avec des jours de neige inférieur à moins d’une quinzaine de jours.

Retour à la mer ?

Le laboratoire de recherche des matériaux de l'ESICT Caen planche également sur une autre utilisation du béton coquillage, pour des récifs artificiels cette fois. Une fois immergés, les blocs poreux sont rapidement colonisés par des espèces marines, végétales comme animales, souligne Hector Cuadrado, ingénieur en récifs artificiels.

"Le matériau se détériore rapidement au début de son exposition au milieu marin mais il se stabilise une fois colonisé".  Pour le moment, les parpaings ressemblent à des parallépipèdes creux, des sortes de moules à gaufre rectangulaires.

Mais l'équipe prévoit de travailler avec une imprimante en 3D pour fabriquer des formes plus complexes, des volumes arrondis, plus organiques, plus larges ou au contraire fourmillant de petites alvéoles propices à la colonisation d’espèces très diversifiées. C'est ainsi que Saint Jacques, pétoncles et autres coquillages retourneront demain dans leurs fonds originels où ils favoriseront l'implantation de nouvelles espèces marines.

Source : sciencesetavenir.fr

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