Les fonds marins sont malheureusement bien moins connus que le sol de la Lune, mais pourquoi ?

Les fonds marins sont malheureusement bien moins connus que le sol de la Lune, mais pourquoi ?

Mercredi 8 juin 2016, c'est la Journée mondiale de l'océan. L'occasion d'interroger la place de cet écosystème clé dans les politiques des gouvernements.

"C'est quand même un peu fort qu'on ne sache pas comment est fait le fond de l'océan aujourd'hui", peste Françoise Gaill, directrice de recherche au CNRS et coordinatrice du comité scientifique Océan et Climat, qui organise avec l'Unesco cette troisième journée dédiée aux océans. Actuellement, moins de 10% du relief des fonds marins, au-delà de 200 mètres de profondeur, est connu, selon l'OHI, alors que près des deux tiers des terres de la planète sont couvertes d'eau. "Acquérir une telle connaissance coûterait cher, mais ce n'est qu'une question de priorités", juge Françoise Gaill. Le thème 2016 est en effet "Océan sain, planète saine".

Selon une étude américaine parue dans la revue International hydrographic review de décembre 2001, il serait cependant possible de cartographier l'ensemble des fonds marins, au-delà de 500 mètres de profondeur, au moyen d'un seul navire exploité pendant 200 ans. "Avec 40 navires, cela prendrait 5 ans !" s'enthousiasme Walter Smith, géophysicien à l'Agence américaine océanique et atmosphérique (NOAA), estimant le coût d'une telle opération à deux ou trois milliards de dollars. 

"Ca peut sembler beaucoup mais c'est moins que ce que prévoit de dépenser la Nasa pour sa future mission d'exploration d'Europa, la mystérieuse lune de Jupiter", assure le scientifique du Laboratoire d'altimétrie par satellite de la NOAA. "On a une vue globale des fonds marins grâce aux satellites, mais elle n'est pas très précise", souligne Thierry Schmitt, expert en bathymétrie au SHOM, le Service hydrographique et océanographique de la Marine. "Seule l'acquisition de données en mer par sondeurs acoustiques permet de disposer d'une meilleure précision. Mais ces techniques sont généralement lentes", estime le chercheur.

Du sauvetage à l'amélioration de la gestion des ressources marines

Conséquence: les boîtes noires du vol Air France AF447 Rio-Paris, disparu en mer le 1er juin 2009, ont été récupérées après 23 mois immergées à 3.900 mètres de profondeur, dans une zone particulièrement chaotique de l'océan Atlantique. "Quand une personne tombe à la mer, un navire est en détresse ou un avion s'abîme en mer, il faut pouvoir estimer le mouvement des courants. Mais ceux-ci sont difficiles à modéliser dans les zones où le relief marin n'est pas ou peu connu", explique Walter Smith.

"Attendre qu'un avion s'écrase pour commencer à cartographie une zone, c'est trop tard", juge-t-il. Mais une meilleure connaissance des fonds marins permettrait également d'en savoir davantage sur les ressources marines disponibles dans l'optique de leur exploitation et/ou préservation, sur l'origine des glissements de terrain sous-marins et le déferlement de vagues à la côte occasionnées par des tsunamis et des ouragans.

Les bénéfices ne sont visibles en terme économiques environnementaux et sociétaux que sur le long terme

"Cette connaissance des fonds marins est indispensable pour pouvoir exploiter de façon raisonnée les océans, que ce soit au niveau de la pêche, de l'énergie ou des minéraux", souligne ainsi Patrick Poupon, directeur du Pôle mer Bretagne Atlantique, qui fédère un réseau de plus de 300 membres, entre grands groupes, PME et centres de recherche et de formation. Les disparités en matière de connaissance de fonds marins sont cependant importantes dans le monde.

Ainsi, plus de 95% des zones de 0 à 200 mètres de profondeur du Sud-Ouest du Pacifique et des régions polaires ne sont pas du tout ou mal connues - au regard des normes hydrographiques en vigueur - contre 19% pour la France métropolitaine, 30% pour le Royaume-Uni et 40% pour les Etats-Unis, selon des données de 2013 de l'OHI. Cette dernière alerte par ailleurs sur la réduction en 25 ans de 35% des moyens nautiques des Etats côtiers pour mener à bien des campagnes de recueil de données bathymétriques.

Et cela du fait, "en général, que les priorités nationales budgétaires sont ailleurs que dans l'investissement dans des moyens navals ou des infrastructures de recherche", explique Yves Guillam, du secrétariat de l'OHI, dont le siège se trouve à Monaco. "Les bénéfices ne sont visibles en terme économiques environnementaux et sociétaux que sur le long terme", fait-il valoir.

Source : sciencesetavenir.com

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